Environnement et grands projets, un binôme impossible ?

Environnement

L’enjeu environnemental, le souci de protéger l’environnement mais aussi les personnes qui lui gravitent autour sont devenus des préoccupations de premier ordre dans l’agenda politique des décideurs nationaux mais aussi des instances internationales. Réchauffement climatique, pollution, la transition vers les énergies renouvelables ou en tout cas vers des solutions « écoresponsables » sont des thèmes affrontés de […]

L’enjeu environnemental, le souci de protéger l’environnement mais aussi les personnes qui lui gravitent autour sont devenus des préoccupations de premier ordre dans l’agenda politique des décideurs nationaux mais aussi des instances internationales. Réchauffement climatique, pollution, la transition vers les énergies renouvelables ou en tout cas vers des solutions « écoresponsables » sont des thèmes affrontés de plus en plus à l’heure actuelle.

Alors que la préoccupation environnementale cherche à changer nos habitudes, beaucoup de secteurs économiques sont tout aussi touchés. Parmi ceux-ci, le secteur de la construction est probablement celui qui devra, probablement, faire le plus d’efforts. Changer la manière dont nos infrastructures sont construites, penser à des infrastructures résilientes, ayant peu d’impact sur l’environnement, tester de nouvelles méthodes de construction mais aussi de conception.

De premier abord, le binôme environnement-construction pourrait paraître antithétique : comment unir environnement et infrastructures alors que les deux semblent si éloignés ? S’il est vrai que la relation entre les deux a pu (et est encore) parfois être complexe, il existe néanmoins des opportunités à explorer afin de véritablement changer la manière dont nous construisons, pour mieux répondre donc aux impératifs environnementaux.

Un mariage difficile …

Le volet environnemental s’est révélé à plusieurs reprises un obstacle au développement de grands projets d’infrastructure et ceci en raison de plusieurs facteurs.

Les cadres légaux et législatifs relatifs à la protection de l’environnement se sont renforcés, surtout dans les pays les plus développés. Les règles du jeu ont évolué au fil du temps, et la procédure de consultation publique, nécessaire pour l’approbation de tout projet, a acquis un poids considérable, de sorte que l’opinion des personnes puisse finalement décider du sort d’un projet.

Les exemples sont multiples. La troisième piste de l’aéroport d’Heathrow, un projet aussi bien nécessaire que controversé, est aujourd’hui à un point mort suite à des consultations publiques (et à des procédures légales) fortement contraires au projet. Ou encore, la LGV Lyon-Turin a été pendant des décennies l’objet d’attaques (verbales et non) car elle ne prendrait pas suffisamment en compte l’enjeu environnemental et viendrait donc dénaturer le paysage de la Val de Suse. Plus récemment, le comté du Kent à appelé à réduire davantage les impacts environnementaux du projet du tunnel de Lower Thames Crossing, afin d’éviter le même sort que la piste d’Heathrow.

La consultation publique a un deuxième impact sur les projets d’infrastructure, car elle contribue à rallonger les délais dans la prise de décision. Le résultat en est que beaucoup de projets se retrouvent retardés et voient la possibilité de se concrétiser toujours plus lointaine. Au Chili, par exemple, consultation publique et étude d’impact environnemental sont souvent des facteurs qui ralentissent la mise en œuvre de projets d’envergure et presque la moitié des projets soumis à approbation environnementale sont rejetés par l’autorité compétente (SEIA).

… mais pas impossible

Que faire ? La situation n’est pas complètement bloquée, au contraire. Le secteur de la construction peut faire en ce sens des pas importants vers ce changement. Alors que l’enjeu environnemental prend de l’ampleur et une place grandissante, la clé sera de mieux préparer les dossiers relatifs aux projets, de mieux les expliquer aux futurs usagers et de mieux organiser les consultations publiques.

Toutes les parties prenantes au projet sont impliquées dans ce processus. Tout d’abord, le porteur du projet, le plus souvent un donneur d’ordre public, qui doit désormais être en mesure d’intégrer systématiquement les obligations environnementales. Cela signifie certes une plus grande transparence vis-à-vis du public, mais également des attentes plus pressantes vis-à-vis des constructeurs.

Le donneur d’ordre n’est pas le seul acteur. Les ingénieries ont, elles aussi, un rôle à jouer et peuvent contribuer à changer d’approche. Dès la conception, en effet, des mesures écoresponsables (que ce soit en termes de matériaux ou de méthodes de construction) pourront être prises en compte, voire demandées par le client lui-même.

Les constructeurs sont enfin le troisième maillon de cette chaîne. Dans un futur très proche, les obligations environnementales dans les appels d’offres mais aussi dans les contrats deviendront sans doute davantage contraignantes et l’environnement pourra devenir l’un des critères d’évaluation des offres, mais aussi d’attribution des contrats. L’enjeu des constructeurs sera donc d’anticiper dès aujourd’hui ce changement de paradigme : des solutions sont déjà adoptées à l’heure actuelle (par exemple, la gestion des déblais sur le chantier et leur recyclage), mais d’autres plus innovantes seront sans doute demandées et attendues par les donneurs d’ordre.

Il n’y a pas donc de vision manichéenne, infrastructures et environnements peuvent cohabiter, car l’un n’exclut pas l’autre. Le changement impulsé par le souci environnemental, par ailleurs déjà en cours, ouvrira la voie à des nouvelles infrastructures et à des nouvelles solutions pour les construire. Surmonter les obstacles est donc possible, et la coopération tripartite entre clients, ingénieries et constructeurs sera la base pour cette nouvelle phase.